Compte-rendu 12e Conférence européenne pour la promotion de la santé en prison

12e Conférence européenne pour la promotion de la santé en prison

« Le principe d’équivalence dans les faits »La 12e Conférence européenne pour la promotion de la santé en prison, qui s’est déroulée les 25 et 26 mai à Morat (Suisse), a été un franc succès. Attirant plus de 210 participant·e·s, son thème, « Le principe d’équivalence dans les faits », a suscité un vif intérêt, ce qui est attribuable entre autres à l’étendue du sujet : celui-ci ne concerne pas seulement les soins médicaux immédiats prodigués pour des troubles physiques et psychiques, mais soulève également une multitude de questions juridiques et influence les concepts de sécurité et méthodes de construction des établissements de détention. La conférence a abordé tous ces aspects et a été l’occasion de présenter des modèles de réussite et de discuter de nouvelles pistes.

Il est apparu qu’au cours des dernières années, voire décennies, la question des soins apportés aux personnes détenues a retenu l’attention des autorités et de la société. Des progrès ont été accomplis dans la mise en œuvre du principe d’équivalence (selon lequel les personnes détenues doivent recevoir des soins équivalents à ceux prodigués en liberté). Pour autant, les participant·e·s étaient d’accord pour dire qu’il reste encore beaucoup à faire.

La définition même de l’équivalence est problématique. Les personnes détenues sont vulnérables et souvent plus atteintes dans leur santé que la population en liberté. Elles nécessitent une prise en charge de meilleure qualité, plus intensive et plus complète : une équivalence des soins ne suffit pas. C’est pourquoi la conférence a vu apparaître des notions comme « équivalence plus » ou « adéquation », dont le but n’est pas une équivalence des soins, mais une équivalence de l’état de santé. Or, cette dernière nécessite un changement sociétal immense. Les participant·e·s se sont toutefois accordé·e·s à dire qu’il est utile de travailler en ce sens.


24 mai 2022


Table ronde : L’assurance-maladie prévue par la loi et les personnes détenues et prises en charge : pourquoi des modifications semblent nécessaires, et quelles solutions sont possibles – un regard au-delà des frontières

Cette discussion a débouché sur plusieurs pistes quant à la manière d’améliorer les soins médicaux des personnes détenues. Les dispositions légales sont différentes d’un pays à l’autre. En Allemagne, en Autriche et au Luxembourg, l’assurance-maladie est suspendue lors de l’admission en détention. C’est l’État qui finance la prise en charge médicale durant la période de privation de liberté. Dans ce système, des problèmes surgissent au moment de la libération : comme l’ont dit des participant·e·s venant d’Allemagne, il arrive parfois de devoir attendre plusieurs semaines avant que les autorités compétentes réaffilient une personne libérée à l’assurance-maladie. Ces interfaces sont également problématiques en Autriche : avec l’arrivée des dossiers de santé électroniques, les personnes risquent de perdre des données de santé importantes lors de l’entrée en détention parce qu’elles sortent de l’assurance-maladie. 

En Suisse, l’assurance-maladie est maintenue pendant la détention. Toutefois, une forte proportion de personnes détenues n’a pas de domicile en Suisse. Selon le principe d’équivalence, l’État assume les frais de santé de ces personnes. Néanmoins, il est de plus en plus fréquent que les cantons tentent de répercuter sur elles une partie des frais de maladie. Le modérateur de la table ronde, Hans Wolff, a lancé un avertissement : une faible participation aux coûts suffit déjà pour qu’un certain nombre de personnes détenues renonce à des prestations médicales. L’État justifie leur participation aux coûts par l’application du principe d’équivalence : la population générale doit elle aussi supporter une partie de ses frais de santé. Selon les participant·e·s, ce raisonnement ne tient pas compte du fait que les personnes privées de liberté ne peuvent pas gagner leur propre argent, ou seulement dans une faible mesure. Le Conseil fédéral a reconnu la situation et annoncé l’élaboration d’un projet de loi qui soumettra également les personnes détenues non domiciliées en Suisse à l’assurance-maladie obligatoire. 


25 mai 2022


Ouverture : Patrick Cotti, directeur du CSCSP

Dans son discours de bienvenue, Patrick Cotti a souligné que les questions de santé étaient centrales dans le domaine de l’exécution des sanctions pénales. En effet, les personnes détenues sont vulnérables. D’une part, en raison de leur détention ; d’autre part, parce qu’elles sont souvent déjà atteintes dans leur santé lorsqu’elles arrivent en privation de liberté. Ces personnes ne devraient pas être défavorisées sur le plan de la prise en charge sanitaire : comme l’a rappelé P. Cotti, le sujet de l’équivalence des soins est d’une actualité brûlante. « Les personnes en détention ne sont pas en dehors de la société. »


Ouverture : Ursula Klopfstein-Bichsel (Commission nationale de prévention de la torture CNPT)

En Suisse, la CNPT a le mandat légal de vérifier les soins de santé fournis dans les établissements de privation de liberté. Comme l’a indiqué Ursula Klopfstein-Bichsel, une partie importante de ce travail consiste à contrôler si le principe d’équivalence est respecté. De manière générale, dans les établissements, la sensibilisation à l’importance de fournir des soins de qualité est bonne. Pour autant, les contrôles demeurent importants. Klopfstein-Bichsel a cité comme exemple le traitement des symptômes psychiatriques, dont souffre plus de la moitié des personnes détenues dans un bon nombre d’établissements. Les contrôles menés montrent que les établissements pénitentiaires suisses traitent ces personnes de manière complètement différente. Dans l’ensemble, la thérapie est insuffisante. Selon ces contrôles, dans bien des cas, les personnes souffrant de maladies psychiques sont « calmées » avec des médicaments. Même les besoins thérapeutiques particuliers des femmes détenues (dépistages réguliers, aide en cas de menstruations douloureuses ou de grossesse) ne sont pas toujours satisfaits.

Exposé en plénière : Principe d’équivalence : qu’est-ce que cela signifie au juste ?
Jörg Pont, Vienne

Le principe d’équivalence est habituellement défini comme l’exigence selon laquelle les personnes exécutant une peine reçoivent des soins de santé équivalents à ceux dont bénéficie la population libre. Toutefois, qu’est-ce que des soins équivalents ? Voilà une question à laquelle, comme l’a exprimé Jörg Pont, il n’est pas si facile de répondre. En effet, en liberté, tout le monde n’a pas le même accès au système de santé. De plus, qu’est-ce qui est « équivalent » : les dépenses en personnel, ou les dépenses en matériel ? Les prestations ? Le résultat, autrement dit, l’état de santé auquel la personne aboutit ? Jörg Pont plaide en faveur d’un développement du principe d’équivalence dans le sens de cette dernière proposition. De nombreux problèmes de santé sont nettement plus fréquents en détention. Par conséquent, les personnes détenues n’ont pas besoin de soins équivalents, mais de meilleurs soins que la population en liberté. Le conférencier a forgé une nouvelle notion pour cet objectif : l’« équivalence plus ».

Exposé en plénière : RISE-Vac : équivalence dans la pratique vaccinale,
Babak Moazen, Francfort

La vaccination fait partie des mesures les plus efficaces pour prévenir les maladies infectieuses. Le projet RISE-Vac, un projet de recherche financé par le programme Santé de l’UE, a pour objectif d’augmenter le taux de vaccination dans les prisons et, ainsi, de contribuer à l’amélioration de l’état de santé des personnes détenues. Ce projet, qui s’étendra de 2021 à 2024, bénéfice de la participation de neuf institutions, venant de six pays. L’objectif est d’améliorer les connaissances de la population en matière de vaccins, l’offre en vaccins et l’acceptation de ceux-ci en exécution des peines, a indiqué Babak Moazen. Les chercheuses et chercheurs entendent atteindre ce but au moyen de cours destinés au personnel pénitentiaire et de matériel sur mesure pour les personnes détenues. La sensibilisation est centrale. Des brochures expliquent les raisons de la vaccination, en montrent les avantages, fournissent des informations à ce sujet et indiquent quels vaccins sont particulièrement importants dans les prisons.

Exposé en plénière : Nouvelles approches de Norvège (organisation pénitentiaire),
Are Høidal, prison de Halden

Are Høidal a été le directeur de l’établissement de Halden, au sud-ouest d’Oslo, pendant 14 ans. Cet établissement de haute sécurité, accueillant 250 personnes détenues, est considéré comme l’une des institutions pénitentiaires les plus modernes – et les plus humaines – au monde. S’il est entouré d’un mur de six mètres, à l’intérieur, toutefois, il ne ressemble pas à une prison. Selon Are Høidal, les personnes incarcérées devraient vivre de façon aussi similaire que possible à celles qui se trouvent à l’extérieur. D’après le droit norvégien, la privation de liberté est la seule punition à laquelle sont soumis·e·s les auteur·e·s d’infraction, qui conservent par ailleurs tous leurs autres droits. Par conséquent, à Halden, chaque homme détenu occupe une cellule individuelle qui est aménagée comme un appartement. Il commence sa journée en prenant son petit-déjeuner, puis se rend à un travail ou se consacre à une formation. Quant au temps libre, c’est lui qui détermine seul la manière dont il souhaite le passer. À Halden, les surveillants se définissent comme des « travailleurs sociaux ». Chacun d’eux est responsable de trois personnes détenues, non seulement en matière de sécurité, mais également en tant qu’interlocuteur pour toute demande. Il entreprend également des activités de loisirs avec ses « protégés ». D’après Høidal, ce système carcéral met l’accent dès le départ sur une réinsertion dans la société. De ce fait, les formations, les séances de conseil pour régler les problèmes d’endettement, mais également la santé et le bien-être sont particulièrement importants.

Exposé en plénière : Nouvelles approches de Suisse (organisation pénitentiaire),
Roland Zurkirchen, établissements de détention provisoire du canton de Zurich
Dans le canton de Zurich, la détention avant jugement se déroule dans des établissements distincts. Il s’agit souvent de bâtiments vieux et dont les locaux sont peu spacieux. Toutefois, comme l’indique Roland Zurkirchen, on essaie ici aussi d’améliorer les conditions de détention. Exemple : jusqu’ici, les personnes en détention avant jugement n’étaient autorisées à passer qu’une heure par jour à l’extérieur de leur cellule. Récemment, le canton a décidé d’augmenter cette durée à huit heures. Selon Zurkirchen, il est important de travailler en vue d’une réinsertion dès le premier jour de la détention avant jugement. Pour cela, l’un des moyens est d’encourager le fait que les personnes détenues participent à l’organisation de leur journée ou l’organisent elles-mêmes. Celles-ci sont tenues d’effectuer un travail ou d’exercer une activité. Dans des ateliers créatifs, elles peuvent fabriquer des choses elles-mêmes, et accèdent librement à des salles à manger, des salles de fitness et de musique et à des bibliothèques. La promotion de la santé est elle aussi importante – celle-ci incluant la méditation, l’acupuncture et les traitements à base de plantes. Au lieu d’un concept de sécurité statique, c’est désormais un concept de sécurité dynamique qui est appliqué : le personnel de sécurité passe du temps avec les personnes détenues, joue parfois au tennis de table ou prend un cours de zumba avec elles. Cela fonctionne, indique Zurkirchen, précisant que les surveillants n’ont pour autant aucun mal à imposer des règles.

Table ronde : Nouvelles méthodes, approches et positions concernant le logement de personnes dans les établissements de détention
En Norvège, d’après Are Høidal, le nombre de personnes détenues a baissé d’environ 5000 à 3000 au cours des dernières décennies. D’une part, parce que les auteur·e·s d’infraction ont de plus en plus la possibilité d’exécuter leur peine à la maison. D’autre part, parce que le taux de récidive a nettement diminué en raison de l’amélioration des mesures de réinsertion. Dans les années 1990, 75 % des personnes libérées à la suite d’une détention étaient à nouveau incarcérées dans les cinq années suivantes. Aujourd’hui, elles sont encore 25 %. Selon Roland Zurkirchen, ce travail de réinsertion mené dès le premier jour est une nouvelle approche qui a également une influence sur les soins de santé en détention avant jugement. Par exemple, cette approche implique de ne pas reporter un traitement pour une hépatite jusqu’au moment du jugement. Le modérateur Hans Wolff a précisé qu’un bon déroulement de la journée a une énorme influence sur la santé des personnes détenues. Un régime dans lequel les personnes détenues passent 23 heures par jour dans leur cellule augmente fortement l’investissement nécessaire en ressources médicales.


Quatre thèmes, quatre tables : Corner Stone Lab

Tobacco Harm Reduction (Heino Stöver, Allemagne)
Plusieurs études menées en Suisse et en Allemagne montrent que par rapport à la population en liberté, la part de personnes fumeuses parmi la population détenue est jusqu’à quatre fois supérieure. Beaucoup de personnes détenues souhaiteraient diminuer leur consommation de tabac. Pour l’heure, il n’existe que peu de programmes de sevrage tabagique spécifiques au milieu pénitentiaire : il est fréquent que les personnes détenues ne disposent pas des moyens et méthodes dont bénéficie la population libre (produits de substitution nicotinique, thérapie cognitivo-comportementale, espaces non-fumeurs, etc.). En guise de complément aux mesures classiques (axées sur l’abstinence), « Tobacco Harm Reduction » prévoit avant tout des programmes de réduction du tabagisme et des modes de consommation de nicotine alternatifs. Les cigarettes électroniques ou les « nicotine pouches » jouent un rôle de plus en plus significatif dans cette discussion et devraient être proposées en prison également.

Télémédecine/expériences faites en Suisse (Corinne Stutz, Marcel Ruf, CH)
L’établissement pénitentiaire de Lenzbourg mise sur la télémédecine depuis 2017 afin de fournir des soins aux personnes détenues. Selon ses responsables, le programme est une réussite. La technologie est déterminante à cet égard : la connexion Internet doit être stable et de bonne qualité pour les appels vidéo. Le dossier numérique des patient·e·s doit être consultable par la ou le médecin externe. Rien ne peut fonctionner sans un·e partenaire médical·e fiable se tenant à disposition à toute heure de la journée. Enfin, une formation est nécessaire pour les collaboratrices et collaborateurs du service médical afin que, durant la téléconsultation, elles et ils puissent procéder à des analyses telles qu’une échographie de la personne.


Projets de Promotion Santé Suisse (Martin Wälchli, Nora Affolter, CH)

En collaboration avec le CSCSP, la Croix-Rouge suisse a mené une enquête sur les offres de promotion de la santé en privation de liberté, à laquelle 37 institutions ont participé. Parmi elles, 26 disposent de telles offres, par exemple du matériel d’information sur la prévention des addictions. Environ un tiers dispose d’un programme de dépistage systématique de l’hépatite, tandis qu’un autre propose des dépistages qui ne sont pas systématiques. Le dernier tiers n’a aucune offre d’analyses en la matière.


Des tatouages en sécurité (Philippe Poos, Marco Christophory, L)
Depuis 2017, le Luxembourg mène un programme unique au monde, visant à assurer la sécurité de la pratique du tatouage, populaire parmi la population détenue. Dans ce programme, les personnes détenues sont tatouées par d’autres personnes détenues. Les personnes souhaitant réaliser les tatouages reçoivent une courte formation en matière d’hygiène et de sécurité et s’entraînent d’abord sur une peau artificielle. Les autorités mettent un dermographe et des encres à disposition. Ce programme enregistre une forte participation.


Groupes de travail

Groupe de travail 1
La prise en charge des personnes LGBTIQ+ en détention : défis et bonnes pratiques           
Nicolas Peigné (Genève), Jean-Sébastien Blanc (CSCSP)

Dans le groupe de travail, il est apparu que chaque établissement rencontre des cas concernant des personnes LGBTIQ+. Cependant, le sujet est complexe : comme il est ressorti d’une longue discussion de groupe, chaque situation de prise en charge d’une personne LGBTIQ+ est unique. Conclusion : l’important est que ces personnes conservent leur droit à l’autodétermination et leur espace.

Groupe de travail 2
Gestion des automutilations et des suicides
Didier Delessert (Lausanne), Diane Golay (Genève), Laurent Gétaz (Genève)

Ce groupe de travail s’est tout d’abord demandé comment il est possible de détecter rapidement les facteurs de risque d’automutilation ou de suicide. Les établissements de détention conduisent auprès des personnes détenues des questionnaires à ce sujet. Pour autant, il n’est pas facile de trouver les facteurs qui indiquent un risque. Puis, le groupe a débattu de mesures visant à empêcher les personnes détenues de concrétiser d’éventuelles pensées d’automutilation ou de suicide. Sa conclusion est que la prévention est importante non seulement pour les personnes détenues, mais également pour les employé·e·s.

Groupe de travail 3 
Des idées qui n’ont pas pris une ride : 30 ans de distribution de seringues et plus de 20 ans de mise à disposition d’héroïne dans les prisons suisses
Vera Camenisch (établissement de Realta), Irene Aebi (établissement de Hindelbank)

L’établissement pénitentiaire de Hindelbank est doté depuis 1994 d’un système d’échange de seringues destiné aux personnes dépendantes à la drogue et visant à prévenir les infections dues à des aiguilles souillées. Celui de Realta, pour sa part, propose un traitement avec prescription d’héroïne aux personnes détenues pour lesquelles aucun autre traitement (p. ex., administration de méthadone) n’est possible. Au sein du groupe, il y avait consensus sur le fait que ces programmes portent leurs fruits. S’est donc posée la question de savoir pourquoi ils ne sont pas introduits dans tout le pays. Une réponse possible : des peurs diffuses subsistent autour de ce sujet ; il convient donc de lutter contre ces préjugés.

Groupe de travail 4
Le premier entretien sur l’état de santé, lors l’arrivée en détention, peut-il également être conduit par du personnel non médical ? Quels sont les conditions et le cadre nécessaires ?
Markus Eichelberger (Hôpital de l’Île, Berne), Katja Salvisberg (établissement pénitentiaire de Soleure), Marc Lehmann (Hôpital pénitentiaire, Berlin)

Le groupe de travail s’est demandé si un premier entretien mené par du personnel non médical peut être plus qu’une solution d’urgence ou provisoire. Conclusion : si c’est le cas, un contrôle de la qualité est absolument indispensable. Il y a également lieu de s’assurer que cette tâche ne surcharge pas le personnel de surveillance. Une des solutions alternatives qui s’imposent est la télémédecine – ou, bien entendu, l’extension des soins médicaux dans l’établissement concerné.

Groupe de travail 5
Groupes particulièrement vulnérables, vieillir en détention, dépendance aux soins, aide au suicide
Jörg Pont (Vienne), Bernice Elger (Université de Bâle), Isabel Baur (CSCSP)

Le groupe de travail a discuté du problème, se posant dans plusieurs pays, de la prise en charge des groupes vulnérables comme les personnes âgées et ayant besoin de soins en détention. Sa conclusion est la suivante : ce sont le premier entretien médical et les consultations ou examens réguliers qui sont importants. Il y avait consensus sur le fait que les problèmes des personnes détenues vulnérables ne doivent pas représenter un poids pour les personnes codétenues. Les personnes détenues doivent pouvoir conserver leur droit à l’autodétermination, quels que soient leur âge ou leur état de santé. À cet effet, il est nécessaire de proposer des places de travail adaptées ou la possibilité d’effectuer des tâches plus modestes en cellule.

Groupe de travail 6
Personnes handicapées : accessibilité et inclusion en privation de liberté
Peter Kastner (Vienne), Willy Weyl (Butzbach)

Le groupe de travail a parlé de l’objectif qui est de prévenir la discrimination des personnes détenues en situation de handicap. Il est rapidement apparu que les travaux nécessaires vont bien au-delà de simples mesures architecturales. Un des points de départ essentiels est la transmission des informations : les textes, par exemple, doivent être rédigés de manière à être faciles à comprendre pour tou·te·s. Le tournant numérique offre de nouvelles possibilités : en Autriche, par exemple, un système d’interprétation par vidéo est utilisé.


26 mai 2022

Exposé en plénière : Prise en charge psychiatrique et psychologique en exécution des peines : gestion des crises, canaux de soins existants et manquants : Nora Affolter (CSCSP)
Les problèmes psychiques tels que les troubles du sommeil, l’anxiété, les dépressions, les psychoses ou les traumatismes sont fréquents dans les établissements de détention. Le taux de suicide y est six à sept fois plus élevé qu’en liberté. Les personnes concernées nécessitent davantage de protection et posent en même temps un défi pour les institutions. Dans ces situations, le personnel se sent souvent tiraillé entre le principe d’égalité de traitement, le cas individuel en question et les exigences de sécurité. Dans bien des cas, ces personnes ne veulent ou ne peuvent pas parler de leur maladie. Selon Nora Affolter, en psychiatrie, l’équivalence signifie intervenir et administrer un traitement rapidement. Investir dans la prise en charge psychiatrique des personnes détenues est dans l’intérêt de la société, car la santé mentale est un facteur clé pour la réinsertion. D’après Affolter, la prison régionale de Berthoud a lancé un essai pilote innovant en collaboration avec la clinique de psychiatrie forensique de l’Université de Berne. Les patient·e·s psychiatriques passent la nuit en cellule et la journée dans la clinique adjacente.

Exposé en plénière : Secret médical dans le cadre de la détention en vue de l’expulsion, Hans Wolff (CMPS)
Hans Wolff s’est déclaré préoccupé par les conséquences d’une modification légale adoptée par le Parlement suisse en 2018. Celle-ci prévoit de délier les médecins du secret médical en cas d’expulsion ou d’éloignement de personnes migrantes. L’objectif est de garantir la transmission des informations aux autorités et organisations de renvoi ou d’expulsion. Or, le secret médical, selon Hans Wolff, est une valeur centrale de l’exercice de la médecine. D’après lui, les négociations et discussions avec les autorités sont difficiles. Les organisations professionnelles recommandent de toujours obtenir le consentement de la patiente ou du patient devant être renvoyé·e.

Remise du 6e prix Johannes-Feest : Hans Wolff (CMPS)
Le prix Johannes-Feest est remis à l’occasion des conférences européennes pour la promotion de la santé en prison depuis 2014. Il récompense des personnes et initiatives ayant œuvré de manière décisive à la promotion de la santé en prison. Le 6e vainqueur de ce prix est Fadi Meroueh, chef de service de l’unité sanitaire de la maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone à Montpellier (France). Hans Wolff a salué le courage et la détermination avec lesquels ce professionnel, qui a participé à la conférence en ligne, s’investit depuis des années en faveur des soins aux personnes détenues, n’hésitant pas à la désobéissance civile pour le bien des patient·e·s. Ainsi, Meroueh a entamé un programme d’échange d’aiguilles et seringues, quoique des initiatives de ce type ne soient pas officiellement prévues en France. Le lauréat a présenté ses remerciements pour cette récompense, indiquant qu’il ne fait que son travail et précisant que, selon lui, il est inquiétant de recevoir un prix pour n’avoir fait que son travail.

Table ronde : Notre santé, notre vie : de quoi a-t-on besoin pour préserver et promouvoir la santé?
Cette table ronde a donné la parole à des personnes ayant fait l’expérience de la détention. Un ancien prisonnier a expliqué la manière dont il a vécu les soins médicaux dans les établissements, au nombre de six au total, qu’il a connus au cours de ses plus de six années de privation de liberté. D’après lui, l’accès aux prestations de santé était parfois bon, parfois restreint. Les entretiens menés à l’admission en détention sont selon lui extrêmement importants, notamment du fait de ce que l’on appelle le choc carcéral. Il a lui-même été arrêté sur son lieu de travail. Les activités de loisirs et les contacts avec la famille sont bénéfiques pour la santé en prison. Les nouvelles technologies pourraient simplifier ceux-ci, mais pour l’heure, les établissements ne les utilisent guère.

Un groupe de personnes détenues a participé à la conférence en ligne depuis l’établissement de Lingen (Basse-Saxe, Allemagne). Ce groupe s’est plaint d’un manque au niveau de la prise en charge médicale. Les soignant·e·s font leur travail, mais il n’y en a pratiquement pas sur place, et lorsqu’il y en a, les douleurs ne sont souvent pas prises au sérieux. Une personne détenue a mentionné l’importance d’avoir une occupation pour se sentir bien. Pouvoir effectuer un travail lui donne le sentiment d’être utile. Là aussi, les choses ne se déroulent pas comme elles le devraient : les personnes détenues doivent parfois attendre plusieurs mois avant de se voir attribuer un travail.

Exposés en plénière : L’accompagnement au suicide en détention et en exécution de mesures : Andreas Frei (psychiatrie forensique Bâle-Campagne) et Paul-David Borter (EXIT)
Andreas Frei a décrit le cas pratique d’un délinquant sexuel interné qui s’est adressé à l’organisation d’aide au suicide EXIT dans le but d’être accompagné pour mourir volontairement. Une expertise l’avait qualifié d’incapable de discernement, ce qui rendait un suicide assisté impossible. Andreas Frei a été chargé d’examiner sa capacité de discernement dans le cadre d’une expertise. Il a exposé en quoi, dans son expertise, il est parvenu à la conclusion que cet homme d’intelligence normale ne montrait aucun signe de psychose et, par conséquent, a attesté sa capacité de discernement.

Paul-David Borter a expliqué comment cet homme a été accompagné par EXIT. Un guide succinct publié par le CSCSP en 2020 a fixé le cadre de cette démarche. L’homme concerné a justifié son souhait de mourir par le fait qu’il souffre d’un début de démence et mène une existence indigne, dépourvue de toute perspective de jamais retourner en liberté. Le suicide assisté s’est déroulé après une période de contrôle d’environ trois ans et demi.

Une critique a été émise dans le public : l’accompagnement au suicide pourrait être un bon moyen de contourner un internement à vie. Borter a rétorqué que recourir au suicide assisté dans une telle situation n’a rien d’une solution de simplicité. Pour autant, selon des participant·e·s, il y a lieu de se demander comment un internement à vie peut être aménagé de manière supportable.


Groupes de travail

Groupe de travail 1
« Immigration detention » : détention de personnes migrantes
Eric Luke (Genève), Anne-Claire Bréchet, Miriam Kasztura (Genève), Constantin Bondolfi (Lausanne)

Le rapatriement de personnes détenues est un domaine complexe. Le groupe de travail a indiqué que les autorités chargées de cette tâche exercent souvent une pression sur les médecins afin d’obtenir des informations quant à l’état de santé de la personne concernée. Il en résulte une éventuelle levée du secret médical. Selon le groupe de travail, il est nécessaire d’utiliser des formulaires et d’obtenir le consentement de l’ensemble des parties prenantes sur le terrain.

Groupe de travail 2      
Médicaments psychotropes en prison : comment gérer Lyrica, Rivotril© etc. ?
Dominique Marcot (Neuchâtel), Patrick Heller (Genève), Nicolas Peigné (Genève), Leïla Akhrouf (Neuchâtel)

Le groupe de travail s’est essentiellement penché sur la gestion du principe actif de la prégabaline, la plupart du temps prescrite sous le nom commercial Lyrica. Cette substance est autorisée en cas de douleurs neuropathiques, d’épilepsie et de troubles anxieux. Toutefois, le Lyrica est souvent utilisé comme une drogue en Afrique du Nord, et des personnes en font constamment la demande dans les établissements de détention suisses. Il est apparu, dans le groupe de travail, que la gestion de ce médicament est controversée : tandis qu’à Genève, il est donné au cas par cas, dans les cantons de Vaud et de Neuchâtel, les médecins pénitentiaires refusent de l’administrer. Selon ces professionnel·le·s, le risque de dépendance est trop élevé, d’autant que des thérapies alternatives existent pour les maladies indiquées.

Groupe de travail 3
Des prisons sans VHC : premiers exemples pratiques venant d’Allemagne

Irmgard Render (ministère de la justice de Rhénanie du Nord-Westphalie)

Le groupe de travail a examiné un projet concernant l’hépatite C en Rhénanie du Nord-Westphalie (Allemagne). Dans le cadre d’une action de sensibilisation standardisée, il est à plusieurs reprises proposé (et instamment recommandé) aux personnes détenues de se faire dépister, puis de suivre un éventuel traitement. La condition pour un traitement est de pouvoir terminer celui-ci avant la libération. De tels projets existent déjà depuis des années au Luxembourg, et en Suisse, des travaux similaires sont en cours dans plusieurs cantons. Selon le groupe de travail, toutefois, une grande partie des personnes détenues refuse de se faire dépister par méfiance.

Groupe de travail 4
Dépister les maladies infectieuses : projets tests en collaboration avec des ONG
Daniela Staack (Berlin), Christiane Haas (Berlin)

Un projet pilote berlinois travaille sur l’offre en tests rapides du VIH et de l’hépatite C. Le groupe de travail a discuté des possibles entraves à cette démarche, telles que les obstacles financiers ou le manque de volonté à participer. Il a également abordé l’importance des offres passerelles. C’est précisément pendant et après la fin de la période d’incarcération que la collaboration des services médicaux des établissements avec des ONG travaillant à l’extérieur de ceux-ci est essentielle.

Groupe de travail 5
Prise en charge psychiatrique en détention
Simone Haenggi (Liestal), Nora Affolter (CSCSP)

Le groupe de travail a parlé de différentes idées et possibilités quant à la garantie du principe d’équivalence concernant la prise en charge psychiatrique. Il a posé cinq exigences : davantage de places de psychiatrie institutionnelle pour l’intervention de crise ; mise en place d’une permanence ; obligation de prise en charge pour les urgences dans les cliniques ; programmes de prévention du suicide ; un financement pour ces prestations.

Groupe de travail 6
Le cannabis médical en détention
Karlheinz Keppler (Berlin)

Le groupe de travail a discuté de la remise de cannabis à des fins médicales en détention. Il est apparu que la démarche est différente en Allemagne et en Suisse. En Allemagne, en cas d’ordonnance établie par un·e médecin conventionné·e, la caisse d’assurance-maladie entreprend une vérification. Pour une ordonnance par un·e médecin privé·e, en revanche, la remise n’est pas obligatoire. En Suisse, une prescription spéciale est nécessaire pour obtenir cette substance. Le groupe était d’accord sur le fait que les personnes détenues disposant d’une ordonnance doivent continuer à être traitées.

Groupe de travail 7
Naloxone à emporter chez soi en cas de libération
Simon Fleißner, Heino Stöver, Dirk Schäffer (Allemagne)

En raison de leur risque de rechute, les personnes détenues dépendantes aux opioïdes ont un risque nettement plus élevé de mourir à leur retour en liberté. En l’espace de quelques minutes, le médicament qu’est la naloxone antagonise les effets (dépresseurs respiratoires) des opioïdes dans le corps. Le programme « Take Home Naloxon » donne une formation aux personnes détenues concernant la prise de naloxone peu avant leur remise en liberté et leur fournit ce médicament. Le groupe de travail s’est accordé à dire que cette mesure repose sur de très bons arguments scientifiques et qu’il s’agit là d’une approche importante pour réagir à l’augmentation de la mortalité due aux drogues après la libération.


Fishbowl : Expérimenter le principe d’équivalence : une rétrospective et des perspectives

Dans le cadre de cette forme de discussion, les participant·e·s ont donné de brefs commentaires de conclusion sur la conférence et sur le sujet du principe d’équivalence. En voici quelques exemples :

« Les patient·e·s ont droit à un traitement médical consciencieux même en privation de liberté. Mais les droits des patient·e·s doivent aussi pouvoir être applicables. »

« La punition de l’infraction, c’est la privation de liberté. Mais outre cela, le système rend les personnes détenues malades ; en les privant de leur utilité ou en les empêchant d’avoir une alimentation saine. »

« La prise en charge psychiatrique de personnes détenues est un sujet d’avenir. Il deviendra difficile de trouver suffisamment de spécialistes. »

« Il y a également des domaines dans lesquels nous allons au-delà de l’équivalence. En Allemagne, les personnes détenues sont mieux loties que la population générale au niveau de la médecine dentaire et de la fourniture de lunettes. »

« Pour certains groupes de patient·e·s en exécution de sanction pénale, les soins se sont améliorés au cours des vingt dernières années. Pour autant, il reste encore beaucoup à faire. »

« L’adéquation est peut-être une notion plus adaptée que l’ »équivalence plus » ».

Auteur: Simon Koechlin, freier Wissenschaftsjournalist, Sept. 2023

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